Présentation du projet ARCHEAN

Les enjeux autour de la publication archéologique préoccupent les chercheurs depuis longtemps (Table ronde de Rome en 1986 notamment) et ont précédé le développement de l’archéologie préventive ayant entrainé la fouille de centaines de sites. Les potentiels offerts par les outils numériques et la publication en ligne ont provoqué de nombreux débats autour de thématiques diverses : la production et la conservation des archives primaires, la valorisation de catalogues de mobilier, l’édition de monographies détaillant les interprétations et les hypothèses, etc. S’est ajoutée la question du support : papier, numérique ou une nécessaire mixité ?

Le projet ARCHEAN s’est emparé de ces problématiques en ayant pour objectif principal la mise en place d’outils à destination de la communauté scientifique facilitant la publication des résultats des opérations de terrain ainsi que leur diffusion et leur valorisation auprès d’un public, expert ou non. Cette édition vise l’exhaustivité ; elle intègre donc non seulement les données primaires et les synthèses mais également l’apparat critique. Nous nous inscrivons dans la dynamique du Consortium MASA (TGIR Huma-Num) dont l’objectif est de faciliter la consultation et l’interopérabilité des données archéologiques en profitant de la révolution numérique. Au cœur de la démarche du Consortium, se trouvent la diffusion et la mise en œuvre des principes FAIR au sein de la communauté archéologique.

Nous avons choisi comme terrain d’expérimentation le site archéologique de Trainecourt (Grentheville – Calvados) dont les résultats sont restés largement inédits. Le projet éditorial mené doit, à son terme, permettre la publication d’une monographie imprimée, articulée avec l’interface web qui offre la possibilité de conserver de manière pérenne toutes les archives de la fouille et de présenter les inventaires, catalogue de mobilier et les synthèses produites.

Présentation du site archéologique de Trainecourt

Le site de Trainecourt à Grentheville (Calvados) a fait l’objet d’une fouille préventive exhaustive, sur une période de trente mois, entre 1987 et 1994, d’abord sous la direction de Claude Lorren (Professeur d’archéologie médiévale – Université de Caen) puis de Marie-Claude Taupin (archéologue à l’AFAN). Les résultats de ces six opérations, malgré leur qualité scientifique exceptionnelle, n’ont jamais été publiés sous la forme d’une monographie ; seul un très court article, rédigé par Marie-Claude Taupin, présente les découvertes principales.

Ce site archéologique est localisé dans la Plaine de Caen, sur la rive droite de l’Orne, à environ 5km au sud-est de Caen, dans la commune de Grentheville, à 900m à l’ouest du bourg actuel (Fig. 1). La phase d’occupation la mieux conservée date de la fin du XIIe – début XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVe siècle. Des vestiges antérieurs attestant d’une occupation de l’époque laténienne (milieu du premier millénaire avant J.-C.) ont également été mis au jour.

Au Moyen Age, le hameau est organisé comme un village-rue ; les unités parcellaires sont disposées de part et d’autre d’un axe de circulation, long de 300m. Elles se composent d’une habitation, d’autres bâtiments aux fonctions diverses, de cours donnant sur la voie principale et d’arrière-cours ouvrant sur les parcelles cultivées. Le XIIIe siècle est marqué par un agrandissement du hameau dont témoignent la multiplication des unités et une densification du bâti autour de venelles perpendiculaires. A l’échelle du site, les équipements communautaires comprennent un puits situé sur une placette, quasiment au centre du hameau et une mare. D’autres aménagements privés sont identifiés : un puits, des fours ou des latrines. La croissance du site atteint son apogée au début du XIVe siècle (Fig. 2) et se manifeste notamment par l’installation d’une unité élitaire en son centre.

Celle-ci est abandonnée avant la fin du XIVe siècle, comme de nombreuses unités tout au long des XIVe-XVe siècles, au cours d’un long processus qui ne laisse qu’une dizaine de fermes habitées à la fin de ce siècle. Les terres du hameau déserté restent exploitées par des habitants des villages environnants, ceux du bourg de Grentheville ou de Cormelles-le-Royal.

L’ensemble de la documentation analogique produite lors des opérations de fouille a été rassemblé dans le cadre du Projet Collectif de Recherche "Trainecourt" soutenu par le Service Régional d’Archéologie (DRAC Normandie). Nous souhaitons également remercier M. Taupin qui nous a transmis les archives de son épouse à son décès.

Les campagnes de fouilles

Sous la direction de Claude Lorren (1987-1988) puis de celle de Marie-Claude Taupin (1988-1994), six campagnes de fouilles ont été réalisées sur une durée totale de 30 mois ; ces campagnes ont permis de mettre au jour la totalité de l’habitat dans son état de la fin Moyen Âge (2e moitié du XIIe siècle-fin du XVe siècle), ainsi que des vestiges antérieurs datables de la Protohistoire et de l’Antiquité, et postérieurs Modernes et Contemporains. Les espaces étudiés au cours de ces campagnes successives se sont parfois légèrement recoupés afin d’assurer un parfait recouvrement des vestiges d’une campagne à l’autre et de compléter les informations sur des structures partiellement fouillées.

Plan de masse des six campagnes de fouilles avec le zonage de 24m sur 24 m

La fouille a été menée dans les limites de carrés de 3m de côté, inscrits dans des zones de 24 m de côté dont l’origine a été établie lors des fouilles développées à quelques centaines de mètres au Nord-Est sur le site de la Delle Saint-Martin dans la commune de Mondeville (Rapport 1987). L’enregistrement des données, au fil de la fouille, carré par carré, a été effectué sur des carnets de terrain, mis au propre par Marie-Claude Taupin dans des classeurs à partir de la campagne 1990-1991. En 1992 et 1994, l’enregistrement sur le terrain a été réalisé sur des fiches descriptives qui ne tiennent pas nécessairement compte des carrés. Ces cahiers, classeurs et fiches ont servi ensuite à produire les cinq rapports de fouilles (consultables dans l’onglet « Documentation »). La campagne 1988 n’a pas fait l’objet d’un rapport de synthèse. Les données sont actuellement en cours de réanalyse à partir de la documentation de terrain ; nous pourrons expose les principaux résultats.

Dans l’état actuel de nos travaux, seule la campagne 1990-1991 est partiellement exposée dans l’onglet bâti du portail. Cette campagne offre les données les plus riches justifiant notre choix d’amorcer l’exposition en ligne par celle-ci. Une thèse en cours en étudie le mobilier céramique (Mathilde Leclerc, Trajectoires des terres cuites dans les villages du bas Moyen Âge: approvisionnement, usages et rejet d’un objet du quotidien. Le cas de Trainecourt (Calvados, sous la direction de Claire Hanusse MCF émérite et le co-encadrement d’Anne Bocquet-Liénard IR, CRAHAM).